![]() | ![]() |
---|
CITATIONSÂ & INSPIRATIONS
​
Article rédigé pour le Magazine Zenflo - Les bienfaits de la musique sur le corps et l'esprit (été 2021)
Pour y accéder : https://zenflo.org/les-bienfaits-de-la-musique-sur-le-corps-et-lesprit/?fbclid=IwAR1PjXTnXBRCaIkROnIRfmF3F
​
Extrait qui m'inspire du livre Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent de l'auteur Éric-Emmanuel Schmitt
« Les indifférents, les blasés, les cyniques, les nihilistes et les optimistes »
L’indifférent se fou de tout, de tous, de toutes, sauf de lui. Lui parler de solidarité, cela revient à parler de points de tricot avec une limace. S’il s’éloigne de sa communauté, de sa génération, de celles qui suivront, il ne s’avère pas détaché de ses plaisirs. Étranger de l’univers, égoïste, inatteignable, il habite une terre aux frontières protégées qui s’appelle lui. Personne ne passe la douane.
Le blasé, qui a déjà tout vu, tout connu, tout entendu, s’avoue fatigué. Il l’est à n’en pas douter puisqu’il n’aperçoit plus que les ressemblances, jamais les différences, sa perception s’étant émoussée avec les ans. Quant à son imagination, elle s’est desséchée, sans qu’il s’en rende compte. Une victime – consentante – de l’usure.
Le cynique déchiffre le monde d’une façon brillante, révélant toujours le noir sous le blanc, le vice sous la vertu, l’intérêt sous l’altruiste, en pratiquant un perpétuel soupçon. Allergique à l’idéal, détestant Beethoven, il se sert de son intelligence comme d’un scalpel qui éventre les évidences, déchire les illusions et dévoile des pans ignorés du réel; cependant, par une étrange préférence, il n’en détache que les laideurs ignorées, les calculs dissimulés, les fondements mauvais. Pour lui, viser bas, c’est viser juste. Penser consiste à détruire, à déconstruire, jamais à édifier ni à créer. Je crains que cette complaisance pour le mesquin non seulement exprime le peu d’estime que porte le cynique aux autres, mais surtout révèle une étrange compétition. « Puisque le monde est mauvais, déclare-t-il, soyons au moins le plus mauvais. » Tendant à une ahurissante excellence, il développe un culte de sa propre intelligence assimilée à la dénonciation. Le cynique n’a plus d’idéaux sauf un : sa réussite ! Voici son axiome : « Tout se vaut, donc rien ne vaut, à part moi qui le montre ».
Le nihiliste, celui qui ne croit en rien, aspire à la pureté. Radical, il aimerait devenir le Saint du Néant. « Rien ne vaut, ni moi ni ma vie ». La conséquence logique du nihilisme reste le suicide. On ne rencontre donc jamais d’authentiques nihilistes, car le vrai nihiliste est toujours déjà mort. Ceux que nous entendons pérorer sont des faux, des poseurs ou des postulants, des « qui voudraient bien mais n’ont pas l’audace », bref, des incohérents. On ne croise que des nihilistes ratés.
À rebours, l’optimiste Beethoven croit à la richesse du monde naturel et humain, à sa profusion, aux milliers de surprises qu’il réserve, il n’est pas un défunt marchand dans un cimetière. Il demeure vigilant, il guette la grâce, il discerne la complexité, il débusque la grandeur. Une phrase de Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra me semble magnifiquement résumer cette bienveillance attentive : « Le monde est profond. Plus profond que n’a pensé le jour. »